L'usurpatrice

Publié le par chervalin

 

L’usrpatrice

Loa n’était pas la bienvenue.

Sixième et dernière des filles de la famille.

Elle en était pour son malheur, le dernier enfant.

C’était pas Cosette, c’était pas la souffre douleur, ou autre positionnement pervers ou sadique au sein de la fratrie. Elle a été nourrie, scolarisée et n’a pas subi de violences particulières, du moins pas plus que la normale maisonière.

C’était pire, elle fut ignorée.

Son prénom est déjà une erreur. Il fait penser à Léo, le nom de son grand père et le nom qu’aurait pris son frère s’il était né.

 

Tout en elle attirait le regard.

Elle était rousse, affligée d’un léger strabisme, une bouche immense, un sourire merveilleux, des cils qui recouvraient ses joues lorsqu’elle clignait des yeux.

Plutôt petite, fine, frêle et fragile tant elle était menue et sous alimentée.

Car quand on est ignorée, on existe pas, on est sujette à l’oubli, même à table.

Ses sœurs la méprisaient d’avoir provoqué le désespoir et le suicide paternel.

L’ignorance est vécu comme une négation de l’existence.

Elle n’a jamais connu de vêtements neufs, son armoire était pleine de ceux de ses sœurs. Certains pulls et quelques robes de laine avait recouvert les épaules de toute la soeurerie.

Loa ne savait pas ce que pouvait être un regard, un câlin, une parole gentille à son égard. Elle ne connaissait pas les rires et histoires communes, les petits secrets, le silence se faisait autour d’elle, et la vie ,à coté d'elle.

Elle marchait seule, Dix mètres derrière elles sur le trajet de l’école. Parfois quand la mère les accompagnait, elle bénéficiait de la compagnie de la main maternelle. celle-ci la tirait plus qu’elle ne l’accompagnait. Celle-ci était froide et la pressait plutôt qu’elle ne serait. Une main lointaine donnée à regret.

L’école était une souffrance, car ses sœurs n’ont pas manqué de jeter le discrédit sur son existence qu’elle avait volé à son frère.

Ce qu’elles auraient été heureuses avec un petit frère et papa serait encore là.

Ingrate usurpatrice Loa.

Au sein de la famille, un accord non écrit et non parlé est né entre les délicieuses frangines. Un lien palpable se tisse entre elles pour écarter, éviter le dialogue et la connivence avec Loa.

Cinq sœurs séparées en âge de 9 années vont s’unir pour organiser le rejet de la dernière sans que la mère n’intervienne ou en prenne conscience.

Cinq enfants et adolescents vont s'autoriser un nouveau type de crime, celui de l'ignorance intrafamilialle.

Pas de jeux partagés. Pourtant la sœur la plus proche de Loa n’avait que 3 ans d’écart. Loa sera la seule à dormir dans une chambre seule.

Loa va grandir comme un chat le ferait dans une maison.

Les années déroulent leurs mois et Loa doucement s’habitue et s’insensibilise.

A tout.

Plus d’émotion, plus de douleur ressentie, plus de sensations, plus de sentiments familiaux ou amicaux, pas de paroles non plus qui osent franchir sa bouche. Rien qui ne puisse amorcer l’échange et l’altérité.

Les 5 sœurs n’abdiquent pas, tant elles sont unies par ce pacte invisible. Elles savent que le lien qui les soude est en danger, si l’une d’elles porte son attention et son regard sur cette usurpatrice. Elles se savent solides ensemble et craignent pour leurs existences, leurs croyances et leurs déterminations. celles-ci reposent sur le postulat qu’elles ont raison.

Et sur l’autel de la raison elles ont sacrifié, donné Loa en pâture au monde social.

Celle qu’elles ont élu responsable de la faillite familiale.

Leur lutte n’est pas du dégout ou de la méchanceté, elles ne sont ni condescendantes, ni ne posent d'exigences à Loa.

 Leur lutte est d’ordre sacrée.

On ne dialogue pas et on ne joue pas avec l’objet sacrificiel. On ne s’attache pas à ce qui va être offert à l’abîme au nom de notre union.

Ce sacrifice est un cadeau au père.

L‘objet est de lui remettre entre les mains celle qui doit rendre sa vie car elle l’a volé.

Ainsi ensemble elles pourront vivre, et réaliser le dessein du père.

Leur pacte vient dire cela. Qu’elles sont solidaires, bien que filles, de la désespérance de leur père à n’avoir conçu aucun petit male.

Pour toutes les aînées, ce rôle était fatalement dévolu au dernier né.

Et celui-ci a failli.

Il est « elle ».

Un refus solidaire partagé par la mère afin qu’ensemble elles évitent le sentiment de culpabilité.

Loa s’est résignée en acceptant sans le savoir, ce pacte non énoncé.

 

 

Mais Loa va provoqué une déflagration.

Toutes les aînées sont encore dans le giron matériel et affectif de la mère quand Loa quitte brusquement le foyer.

Elle est âgée de 14 ans .

Loa est enlevé par un prince charmant qui l’invite dans sa belle voiture, dans sa belle masure, dans sa kitchenette, dans sa chambrette et dans son lit croustillant.

Il a une dizaine d’années de plus qu’elle, mais il est encore assez joueur et est en manque de jouet.

Bon débarras, pensent les sœurettes. Pourtant rapidement des tensions vont naître et provoquer de la zizanie.

La belle unité vient de prendre conscience qu’elle a perdu l’objet qui permettait au lien de se maintenir.

L’objet sacrificiel est parti. Il leur a échappé par mégarde, elles n’avaient pas élaboré de plan B ou suffisamment balisé le chemin qui mène à l’autel sacrificiel.

-En plus, elle a l’air heureuse, je l’ai vu souriante dans sa voiture.

Pour l’heur, il n’est pas question de respect de la loi et de détournement de mineure, puisqu’elle n’existe pas, quelle ne peut être pensée comme une égale.

Elle leur échappe, c’est tout.

-Vite réagir et faire en sorte que notre sacrifice s’accomplisse.

L’union est ainsi en marche vers la destruction de l’idylle de Loa.

Pendant ce temps, Loa découvre quelque chose.

Que quelqu’un puisse avoir de la tendresse et un regard , des gestes et même des mots agréables pour sa personne.

Pourtant, insensibilisée par des années d’inclusion dans la solitude, elle ne ressent rien. Pas d’émotion, pas de plaisir. Même quand il dit lui faire l’amour , alors qu’il ne fait que lui faire mal.

Pourtant elle discerne doucement ce que pourrait être la relation quand son grand fou d’amoureux lui offrira son premier cadeau: une bague.

-Cela doit signifier cela « être », exister pour quelqu’un.

Les sœurs réagissent et arrivent à convaincre la mère qu’elle doit sonner les gendarmes et le juge.

L’ hallali est en marche et rapidement , le prince charmant mis à l’écart.

Hélas pour les sœurs, Loa est placée en foyer. Qu’elle fuira quelques mois plus tard pour un royaume moins accusateur.

Désappointement dans la famille car il faut trouver un autre objet sacrificiel.

La sœur aînée attend un enfant, il parait que c’est une fille !

-Nous prenons acte.

 

Epilogue:

C’est une catastrophe pour l’ensemble de la famille.

Des Six sœurs, seule une a réussi à construire une vie équilibrée.

Loa apparaît dans ce récit car elle a déposée plainte pour viol conjugal avec sévices contre son époux. ( C’est-ce dernier qui a fait l’objet de l’enquête). Loa était mariée et a mis au monde deux enfants.

La sœur aînée est décédée accidentellement, une des cadettes est entrée dans les ordres, chez les sœurs moniales. L’autre l’est, à sa façon puisqu’elle s’est engagée dans l’armée, comme fourrière à l‘Arsenal de Brest. La quatrième l’est également à sa façon, puisqu’elle est institutrice. La plus jeune, avant Loa, est également décédée mais d’une maladie, elle laisse trois enfants, trois filles….

Reste la mère, cette personne pathétique et désolante, qui n’a su ou pu distinguer le schéma d’alliance qui y a même participé Dépressive, elle alterne les séjours de soin psychiatrique avec la solitude de la grande maison vide.

Elle a élu domicile dans la chambre de Loa!

Cette histoire, hors champ de la commande, a été reconstitué avec le concours de Loa et de la troisième soeur, celle qui est engagée dans la marine.

Elle a réussi à s'extirper du schéma d'alliance, mais avait besoin d'une appartennace forte, d'une autre famille, construite sur des règles dégagée de sentiments et de culpabilités. Là bas, elle a saisi ce à quoi , elle avait participé, elle a décidé de couper les relations et d'entrer en thérapie.

C'est elle qui a relaté l'enfance réelle de Loa. C'est elle également qui se montre la plus équilibrée et la seule heureuse maintenant.

 

Chervalin

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