Les chaises musicales

Publié le par chervalin

 
Elle danse.
Elle a brusquement abandonnée ses chaises et s'est précipitée lorsqu'elle a entendue les premières mesures de la chanson.
Elle est devant nous, en bas de la scène et danse.
Il n'y a pas grand monde, elle danse quasiment seule.
Elle ne regarde nulle part et se fiche bien d'être regardée.
Elle est sûrement ivre. Elle se dandine sur une chanson de Téléphone
Cendrillon.
Cela à l'air de lui aller. Elle est vêtu à l'indienne. Elle a quoi, la trentaine, pas loin en tout cas.
 
Maintenant c'est sûr, elle est complètement déchirée. Elle tente plus de rester debout que de danser.
Là-bas, au bar, les gens ricanent. Certains sont dans le même état qu'elle mais, ils se gaussent et attendent qu'elle s'affale.
C'est un peu comme au cirque romain.
Ils pensent tous, les femmes cela ne tient pas l'alcool.
Plus loin, assises dans le coin des tables, leurs épouses les  attendent et montrent avec réserves qu'elles sont outrées par cette pauvre fille.
 
Nous on joue, là haut et je ne vois qu'elle derrière mes partoches. Je trouve que la chanson s'éternise car je ne suis pas bien pour elle et je voudrais qu'elle s'en aille. 
Elle repart en titubant vers ses chaises.
Nous laissons la place au groupe suivant et je la retrouve assise, seule et triste, un nouveau verre de bière à la main.
 
Pourtant, quelqu'un vient la chercher et la tire de sa torpeur.
Elle se lève affolée, abandonne là son sac à main et un autre sac sur les chaises.
Elle revient quelque temps plus tard, avec deux petits bouts de choux de 4 et 6 ans.
Deux morveux dont l'un saigne pas mal du genou.
Voilà pourquoi les chaises.
Et le gros sac.
Comme quoi, il y a une explication à tout. 
Elle tente de se regrouper, le sac, les pulls des enfants, une chaussure que l'un a perdu et qu'une personne lui rapporte, le gros sac, dans lequel on distingue comme un duvet, elle trouve des serviettes en papier pour le genou du petit.
Elle rote, vocifère après l'aîné incapable de surveiller son frangin et qui va ramasser en arrivant, et décide de partir de cette fête de la musique de merde.
Puis elle décide, de ranger les chaises. Les trois chaises qu'elle a occupé.
Il lui faut les plier et les ranger.
On ne sait pas pourquoi. Elle décide de cela.
Partir dans la dignité sans doute.
Bien sûr, elle n'y arrive pas, se coince les doigts et envoie tout balader par terre, non sans balancer une tarte à son aîné. 
Deux adolescents amoureux, qui viennent de se trouver, la regarde, se regarde, la regarde, se regarde.....
Ils décident de ramasser les chaises, s'y installent et se tiennent la main.
La musique a changé, les chaises ont bougé, les gens assis dessus aussi.
C'est peut-être ça le jeu des chaises musicales.
 
Mes potes me bousculent gentiment et m'emmène prendre une bière, parce qu'on la bien méritée.
 
 

Publié dans agacements

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M
Celui-là est carrément glauque parce que merveilleusement relaté. Un ton badin qui donne envie de pleurer sur cette misère qui, comme l'ont souligné plusieurs autres bloggeurs dans leurs<br /> commentaires, tend à devenir banale...
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C
<br /> <br /> Nais dans son blog "Dans ma bulle" fait une description fort bien écrite d'un accident où première intervenante sur les lieux, elle constate que les voitures continuent de passer en se plaignant<br /> du ralentissement provoqué.<br /> <br /> <br /> C'est aussi cela la banalité. L'absence de curiosité qui amène normalement un questionnement sur ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux.<br /> <br /> <br /> Nous banalisons par flemme ou parce que notre éducation scolaire ne nous invite peut être pas suffisamment à s'interroger ou à expérimenter.<br /> <br /> <br /> Il faut aller lire ce texte de Nais<br /> <br /> <br /> il est poignant. http://r.a.b.e.over-blog.com/<br /> <br /> <br /> <br />
N
Superbe ce texte, bien écrit et si vrai... Il y a tellement de gens comme ca, qu'on croise sans connaître mais qui pourraient être de nos proches...<br /> A très bientôt sur ce beau blog !
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C
C'est très bien écrit, et surtout c'est émouvant, ça interpelle, ça ne peut laisser indifférent...<br /> A bientôt peut-être
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L
ce que tu dis est très juste, je n'avais pas interprété ce comportement comme ça : avoir un semblant de normalité !
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L
elle me rappelle quelqu'un auquel ses enfants sont très attachés, car malgré tout elle les aime - elle s'en "sort" depuis qu'elle a trouvé un semblant de vie de couple avec un mec, toxico, mais pas<br /> trop.....les béquilles ça marche toujours par deux non, si non on perd l'équilibre.
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C
<br /> <br /> peut être Baronne<br /> <br /> <br /> Toutefois, je pense que la relation avec un produit (alcool, psychoactif) est une relation fusionnelle. L'autre n'y a pas sa place mari, compagnon ou enfant compris. Ils ne servent pas de<br /> béquille, selon moi, mais de par-avant. Je mets mes enfants devant moi pour faire montre de normalité.<br /> <br /> <br /> La normalité ici est son statut de mère. C'est à cela que servent ses enfants:  à sauvegarder cette image. Plus tard, ce seront eux qui porteront des béquilles , pas elle.<br /> <br /> <br /> merci pour ton témoignage.<br /> <br /> <br /> <br />