Le silence des billes
Elle est très mignonne Flore, fine, légère.
Elle flotte dans un rai de lumière, me regarde avec de très grands yeux, Elle est à croquer dans une salopette fluide noire. Elle est presque fascinante Flore.
Elle fronce ses sourcils, s'inquiète de savoir dans quelle moulinette va t-elle passer
Une de plus doit-elle penser.
Elle avait un petit garçon.
Pas bien vieux, à peine quelques mois.
Elle ne savait pas trop si elle devait paraître heureuse ou montrer qu'elle était un peu triste de cet évènement.
Le monde entier dit qu'une jeune fille devenue mère doit forcément être heureuse.
Flore doute.
Elle veut bien accepter l'idée mais pense sincèrement que cela doit être une sacrée galère.
La galère , elle connaît. Elle a squatté un petit peu, osé traîner un moment dans les rues.
Pour voir, pour se faire un peu peur.
Pour se mettre en danger aussi.
De vieux comptes à régler sans doute.
Et puis, elle a fini sa crise adolescente au domicile de ses futurs beaux-parents.
Si tellement tant trop gentils comme son chéri.
Deux ans plus tard, un enfant est né. Voulu, désiré, attendu, tout là et tout entouré, de doudous, d'attentions, de sourires.
Normal.
Ce qui l'est moins c'est que Flore ne se rappelle pas pourquoi, un après-midi de printemps, prenant son fils dans ses bras, elle l'a serré si fort, si fort, si fort qu'il en est mort
étouffé.
Le fait est qu'on ne sait pas si elle est dans le déni de cet acte impensable ou si elle a eu un blanc.
Un blanc, sorte de résurgence d'un trauma passé.
C'est long deux minutes.
de blanc.
Alors on imagine ce petit dans les bras fluets de cette belle et gracile demoiselle qui semble si fragile, si douce.
Flore pleure.
Elle aussi tente de se revoir dans l'avant de ce drame.
Non, elle ne boit pas, ne s'enfume pas avec des produits quelconques, elle travaille, a des amis, se pensait heureuse.
On parle de son histoire.
Elle a joué un peu adolescente, à se faire peur.
Ne se rappelle plus pourquoi.
Ou plutôt ne veut pas se rappeler.
Il y a des choses qu'il faut taire.
Dans sa famille on est des taiseux.
Les blancs de l'histoire c'est des pages sur lesquelles on ne doit pas écrire.
Ni dire.
Alors elle pleure Flore.
De grosses larmes.
Comme des billes.
Cela parrait normal quand on a de si grands yeux.
Peut être enserrent-elles, ces billes, les mots qu'elle ne peut pas dire.
Des gouttes d'eau lourdes dont je peux percevoir l'éclatement assourdissant sur le sol.
Je pense aux billes de mon enfance que l'on appelait goutte d'eau. L'épouvantable cataracte lorsque le sachet trop plein, explosait sur le carrelage de la salle de classe. J'entends encore
mon cerveau me commander de ne pas entendre ce que tout le monde y compris le maître percevait.
Assourdissant, c'est rendre sourd.
Je n'avais pas entendu leur bruit. Je ramassais mes gouttes d'eau.
En silence.
Peut-être aussi en pleurant.
Ce que disent ses larmes, est-ce pour l'enfant victime ou est-ce pour l'ancienne enfant victime ?
Car selon elle, ce n'est pas elle qui ait pu faire cela, simplement parce qu' une mère ne peux supprimer son enfant.
Hors dans sa tête, elle n'est pas encore mère, elle demeure adolescente et l'enfant n'est pas vraiment son enfant.
D'ailleurs il n'est pas là.......
........En fait,............ il n'est plus là.
C'est ce que disent les billes.
En silence
Je n'en sais pour l'instant, fichtre rien. Il y a une chose que je peux faire, c'est lui tendre un mouchoir.
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